Le 3 août 1841, Le Précurseur disait “on nous écrit de Liverpool le premier du mois que la BRITISH QUEEN est sur le point de nous quitter et son départ est prévu pour Anvers le 19. Le paiement ayant été réglé, on peut considérer dès aujourd‟hui le navire comme belge”. Le journal écrivait encore que le navire était le plus long jamais construit avec 275 pieds de longueur hors tout, que sa largeur était de 40 pieds mais 64 avec les tambours et que sa jauge était de 2.016 tonneaux; il ajoutait encore que la machine développait 500 chevaux et que le navire avait été construit en chêne, franc d‟aubier et était chevillé, cloué et doublé en cuivre.
Le 9 septembre suivant, la BRITISH QUEEN arriva à Anvers de Liverpool “sur lest”, un lest non négligeable de 500 tonnes de charbon ! Elle était commandée par le capitaine Kean et son équipage comptait 98 hommes. Le journal du Commerce d‟Anvers rapporte encore une arrivée le 22 septembre et une autre source parle d‟un “deuxième essai” le 4 octobre, avec un équipage de 92 hommes. Nous n‟entrerons pas dans la polémique au sujet des voyages dits d‟essai et considérons que seules les dates rapportées dans les journaux sont exactes.
Par exemple, le 16 octobre 1841, Le Précurseur écrivait encore que “hier matin, le s/s BRUGES (de la Société Anversoise) chauffait et, à 10 heures, s‟est mis le long de la BRITISH QUEEN qu‟il a pris en remorque pour la conduire à l‟entrée du bassin” où le grand vapeur ne put entrer qu‟après de nombreuses difficultés; c‟en était alors fini des tests et le vapeur allait hiverner au bassin “jusqu‟au printemps prochain” ... Cependant, le premier décembre, le journal du Commerce d‟Anvers rapportait qu‟il y avait eu le feu à bord, mais qui fut “promptement éteint”. On peut penser qu‟il y eut sabotage, mais ce fait reste à prouver; il est certain que ce sont 20 hommes du chantier Le Carpentier qui permirent de maîtriser l‟incendie à temps.
Au cours de l‟hiver, comme toujours en Belgique quand il s‟agissait de sortir des sentiers battus, des “détracteurs” s‟étaient attaqués à notre nouveau navire, surtout du fait de la perte du PRESIDENT au sujet duquel la presse avait encore trouvé des “témoins” qui prétendaient avoir vu le navire depuis mars 1841; il était devenu le “belge volant” ... En janvier 1842, alors que le journal du Commerce d‟Anvers faisait part du fait que l‟on admettait enfin la perte de ce navire, il révélait ce que l‟on appela “l‟affaire de la BRITISH QUEEN”. Ce qui n‟empêcha cependant pas le navire d‟entreprendre enfin un voyage à destination de New York; il quitta Anvers le 27 mars, sous pavillon belge, et on pouvait lire alors que son courtier était la maison réputée “Vanden Bergh fils”. Finalement, ce premier voyage ne fut qu‟un “maiden trip” de plus mais le 4 mai suivant, le navire quitta Anvers pour Southampton puis New York, commandé néanmoins encore toujours par son capitaine anglais, Keane. Il emporta à peine 46 passagers et fut de retour au Quai Van Dyck le 24 juin.
Le 7 juillet, il repartit pour son deuxième voyage à New York, commandé alors par notre capitaine Eyckholt. Le Précurseur du 24 août 1842 annonça son arrivée avec 35 passagers et un chargement de coton et de potasse. Le 7 septembre 1842, Eyckholt repartit d‟Anvers avec seulement 17 passagers; le navire fit escale à cette occasion à Portsmouth, et arriva à New York avec 74 passagers; mais le navire ne fut de retour que le 4 novembre suivant, ayant été forcé de faire une escale à Fayal aux Açores pour des réparations temporaires, par suite d‟avaries encourues lors de tempêtes rencontrées en route. Le Précurseur rapporta son départ de Southampton le 11 septembre pour New York et son arrivée en ce port le 28, après du très mauvais temps et notamment un sévère coup de tabac déjà le 19. On raconta plus
tard que lors de la tempête, il s‟avéra que la coque faisait eau et que, de plus, des craquements plus qu‟inquiétants se manifestaient. Après ces trois voyages, on apprenait le 10 novembre que le navire faisait ses préparatifs pour entrer dans les bassins. On lisait alors que l‟on s‟occupait à démonter ses roues et au transbordement du charbon qu‟il avait encore à bord. Le 17, le navire aurait dû entrer au bassin dans le courant de l‟après-midi mais le journal disait qu‟il faudrait encore attendre quelques jours à cause du vent d‟Est qui “empêchait la marée de s‟élever avec une hauteur convenable” ... En plus des frais d‟exploitation énormes, on se rendit compte que notre monstre était disproportionné pour le port, ce qui ajouta de l‟eau au moulin de ses détracteurs. Le 1er décembre suivant, on faisait à nouveau “des préparatifs” pour faire entrer la BRITISH QUEEN au bassin à l‟occasion de la marée haute. Le lendemain, on n‟avait toujours pas réussi à faire entrer le navire après une deuxième tentative malgré l‟aide des deux vapeurs du passage. Une nouvelle tentative fut entreprise le 3, qui échoua également et ce n‟est que dans l‟après-midi du 4 décembre que l‟on réussit enfin. Ouf !!! Notre navire passa donc l‟hiver au bassin et le 13 février 1843, on annonça le remplacement de ses mécaniciens anglais par des belges “venant du chemin de fer” ... Mais le sort ultime du navire fut ensuite décidé : il ne quitterait plus le bassin où il se trouva “à la chaîne” jusqu‟à sa mise en vente !
Le 9 janvier 1844, on pouvait lire dans le journal que l‟ESCAUT (le nom était encore repris en français), appartenant à Cateaux-Wattel, était affrété par le gouvernement pour une expédition en Chine et que son commandement sera confiée au capitaine Eyckholt qui avait commandé la BRITISH QUEEN.
De fait, dès le 12, on retrouve dans les colonnes “en charge” du Précurseur, la barque SCHELDE, “capitaine Eyckholt”, dont le départ est prévu entre le 1er et le 15 avril. On apprit le 8 février suivant que “le personnel de la Marine Royale attaché au BRITISH QUEEN a été renvoyé pour la fin du mois” et, dès le 19, commencèrent des “discussions” au sujet de la vente de notre ancien navire à vapeur ...