La 118ème flottille
Motor Mine Sweepers
Historique
1942
La 118e flottille de dragage fut créée au début de 1942. Cette flottille était composée de dragueurs d'un nouveau type, destiné à remplacer les chalutiers à coque d'acier trop vulnérables pour le dragage magnétique. Ces dragueurs appelés "motor minesweepers" (MMS) entrèrent en service de plus en plus nombreux pour atteindre en 1944 le nombre de 221.
Je me trouvais à l'Ecole d'Artillerie de CHATHAM, en avril 1942 lorsque je reçus ma nouvelle affectation. Je devais effectuer un séjour à l'école de dragage « H.M.S. Lochinvar « à Port Edgard, près d'Edinburgh pour me rendre ensuite à Peter Head et y prendre le commandement du dragueur MMS 188.
J'avais demandé à servir sur les corvettes et je dois avouer que l'idée de faire du dragage de mines ne répondait pas à mes aspirations.
L'AMIRAUTÉ en ayant décidé ainsi, j'acceptai avec une certaine nostalgie mes nouvelles fonctions.
Je me présente donc un certain matin au NOIC (Naval Officer in Charge) de Peterhead en Ecosse où j'apprends que mon bâtiment est en armement au chantier naval J. Nobel, à Fraesburgh, petit port situé à l'entrée du Moray Firth.
Arrivé à FRAESBURGH, j'ai le plaisir d'être accueilli à la gare par le Sous-lieutenant STEENS qui venait également d'être désigné pour le 188 en qualité de ter Lieutenant. Je l'avais déjà rencontré en 1941, alors qu'avec d'autres anciens cadets du "MERCATOR" il faisait son entraînement militaire à "HMS Royal ARTHUR" où je servais en tant qu'officier de liaison belge à l'E.M. de cette base.
Tout comme l'équipage, je m'installe chez l'habitant. Je fais connaissance avec cet équipage, le lendemain de mon arrivée, à FRAESBURGH, en me rendant à bord du NUIS 188. Ce petit dragueur en bois, de forme peu commune, me donne l'impression d'un lourd sabot. A l'avant, se trouve une poutre en A (A. FRAME) surmontée d'un bruiteur. Ce dernier sera remplacé heureusement en 1943/44 par un bruiteur suspendu sous la coque. Plusieurs membres belges de l'équipage, alors composé de personnel britannique et belge, sont passés à la Force navale belge. Je cite ici le chef mécanicien VOLLEMAERE actuellement pensionné et le signaleur DEPIERE qui y est devenu CPC; l'électricien BAUWENS C. et le leading gunner GOOSSENS A.
Le 1er Lieutenant et l'équipage anglo-belge sont affairés à l'armement du dragueur et il est étonnant de voir le nombre d'objets et de pièces de rechange qui s'y engouffrent.
Vient enfin le moment des essais de réception à la mer, suivi du départ pour HARWICH via ABERDEEN, BLYTHE et INNINGHAM. A partir de ce dernier port, il est interdit de naviguer isolément, à cause du nombre élevé des attaques aériennes et des nombreuses incursions des "E. Boot" (Vedettes rapides allemandes), dans le secteur.
Nous nous joignons donc à un convoi, au large de la rivière HUMBER, et arrivons au petit matin, au large d'HARWICH. Nous entrons dans les eaux qui, pendant des années, seront notre terrain de chasse. Nous croisons un groupe d'MMS sortant d'HARWICH qui nous souhaite la bienvenue par message visuel.
Arrivant dans la rivière STOUR nous nous amarrons à PARKESTON QUAY.
L'aspect de cette base, que je n'ai plus vue depuis avant la guerre, est complètement changé.
A quai, nous sommes reçus par les Lt Commander RNR, STANHOPE, chef des opérations et SHEPHERD, commandant la 118e flottille, à laquelle nous appartenons dorénavant.
Je me présente ensuite au Captain M/S (Captain Minesweepers - Capitaine de vaisseau commandant la base de dragueurs.), le Captain D.P. EVANS, R.N. au Commander NELSON, R.N., son Chef d'Etat-major et au Lt Commander POLHAMPTON, R.N., maintenance commander.
Tous viennent ensuite à bord du 188 et nous apprenons ainsi quelle sera notre vie, au sein de cette grande base navale.
Pour les opérations, départ en principe vers 5 h du matin, retour vers 19h00 ou bien ancrage au large, à moins qu'un dragage de nuit ne soit ordonné. Tout ceci en corrélation avec les heures de passage des convois. Les chenaux doivent être dragués chaque fois avant l'arrivée du convoi. Les flottilles se relèvent ainsi régulièrement. Ces convois passent en principe quatre fois par jour, 2 en direction Nord (North bound convoy) et 2 en direction Sud (South bound convoy).
Quant au séjour au port, en semaine l'équipage s'occupe d'abord des travaux d'entretien, de propreté et de réparations (dragues, machines, installations électriques, etc.), se consacre ensuite au ravitaillement, à l'entraînement à terre suivant chaque spécialité, à l'entraînement au Dome Teacher, aircraft recognition, gaz, etc... sans compter les corrections et échanges des documents classifiés, cartes, etc...
En ce qui concerne le dimanche passé au port, la matinée est consacrée aux inspections, divisions et service religieux, l'après-midi libre.
Notre secteur va de la latitude de LOWESTOFT au Nord, à celle de BURNHAM au sud et s'étend vers le large suivant les nécessités.
Je dois avouer que l'accueil chaleureux, qui nous est réservé, et le bon esprit, qui règne parmi tout le personnel de cette base, m'ont réconcilié avec le dragage. D'autant plus que, quelques jours après notre arrivée, nous entrons en opération avec les MMS 187 et 193 et, dès le premier jour de mer, au cours d'une opération de nettoyage dans le Wallet, trois mines, suivies quelques jours après d'une quatrième, viennent récompenser notre travail.
Comme il est de coutume de marquer la cheminée d'un trait noir pour chaque mine draguée, l'équipage est tout fier de peindre les marques de cet exploit qui fait que nous ne sommes déjà plus complètement des novices.
Il faut noter que ces premiers succès ne se répètent pas tous les jours et nombreuses sont les opérations au cours desquelles aucune mine n'explose.
Régulièrement les dragueurs passent à la Base de mesure magnétique pour y contrôler la signature magnétique. Ce "range" est situé dans une petite baie de la STOUR, située entre HARWICH et PARKESTON QUAY.
A HARWICH, sont basés des destroyers (1), des corvettes (2) et un nombre imposant de dragueurs de mines de différentes classes. Tous ces navires sont chargés de la protection de la côte Est de Grande Bretagne et, en particulier, d'assurer le passage aux très nombreux convois venant des États-Unis et se dirigeant vers LONDRES, après avoir doublé les Îles britan-niques, par le Nord.
Plusieurs de ces destroyers ont participé à l'attaque contre le SCHARNORST et le GNEISENAU, dans le Sud de la Mer du nord, lors du passage de ces navires de BREST à WILHEMSHAVEN ils viennent à peine de panser leurs blessures.
Les corvettes, d'un type d'avant guerre, furent rendues célèbres par un livre de MONSÉRRAT "EAST COAST CORVETTES". Ces dernières, escortent chaque convoi allant vers ou quittant la Tamise.
De plus, à l'embouchure de la rivière STOUR un nombre imposant de MTB (3) et de MGB sont basés à FELIXTOWE.
Parmi les dragueurs, se trouvent un certain nombre de gros chalutiers militaires chargés du dragage des mines ancrées, de la couverture radar des chenaux et de l'escorte de convois. Quand nous arrivons, à HARWICH, les pertes, parmi ces derniers, ont été sévères. Rien que dans le secteur, 22 bâtiments avaient déjà été perdus et, avant la fin des hostilités, la liste s'allongera encore. Ils sont une proie facile pour les vedettes rapides allemandes, car ils sont souvent employés à patrouiller de nuit. Pour la plupart sans radar, ce n'est que par l'ouïe et la vue qu'ils peuvent détecter l'approche de l'ennemi.
(1) entre autres HMS MACKEY, WORCESTER, WALPOLE, WHITSHED.
(2) entre autres HMS MALLARD, KITTIWAKE, PUFFIN, WIDGEON, SHELDRAKE , GUILLEMOT, SHEARWATER, KINGFISHER.
(3) MTB : MOTOR TORPEDOBOAT (Vedettes rapides britanniques qui poussent des attaques jusque sous la côte ennemie.
MGB : motor gunboat.
Malgré les nombreuses attaques aériennes et les mouillages de mines dans le secteur, par des avions et des vedettes de la Kriegsmarine, l'esprit d'équipe reste excellent parce que chacun sait qu'il fait de la besogne utile et nécessaire, au sein d'une grande famille.
De plus, pour les dragueurs, l'esprit de compétition joue un grand rôle et c'est à celui qui aura le plus grand nombre de mines détruites à son actif.
Bien souvent, ces sorties seraient monotones si nous n'avions à faire à de nombreuses alertes aériennes et autres.
En août 1942, nous participons, en compagnie de tous les MMS, de dragueurs océaniques et les bâtiments de défense anti-aérienne, au nettoyage d'un chenal, à l'Est des Goodwins, en direction de la côte française.
Le jour de notre départ pour cette opération, nous croisons, en sortant du port, le MMS 191, nouveau dragueur construit et commissionné le 11 juillet à MAC DUFF, également en Écosse, Comme le 188, il est commandé par un Belge, le LDV CEULEMANS et a un équipage anglo-belge.
Il faut dire que ces équipages mixtes ne nous donnent aucun ennui l'entente angle-belge est vraiment parfaite.
Le travail, souvent fastidieux, se poursuit de jour et de nuit et l'hiver arrive rendant, par les périodes de gros temps et de froid, le travail encore plus pénible. Les MMS sont durement secoués et l'eau s'infiltre un peu partout, malgré les calfatages répétés effectués par le personnel des ateliers des chemins de fer britanniques, personnel employé, en temps de paix, aux réparations des paquebots de la ligne HARWICH-HOEK VAN HOLLAND.
Le chef de ces ateliers est un bon vivant et l'on obtient de lui beaucoup plus avec quelques verres de whisky qu'avec des bons de travail !
Le nombre des attaques par E. Boot (vedettes rapides allemandes), est toujours très élevé et les défenses, vers le large, composées de destroyers, de MTB, de MGB et de Trawlers ont fort à faire.
Les pertes parmi les bâtiments d'HARWICH, ainsi que parmi les navires des convois, sont toujours élevées et le secteur d'HARWICH est certainement un des secteurs de'l'E. Boot alley" (1), où les épaves sont les plus nombreuses.
Il y flotte souvent des objets les plus hétéroclites provenant des cales de navires torpillés ou minés.
Un jour, nous repêchons d'énormes roues de fromage canadien, en Crêtes. Nous sommes tenus de les remettre à la douane qui nous en laisse une. Nous avons, ainsi, mangé du fromage pendant bien longtemps.
Un autre jour, un navire, chargé de grands barils de Guinness, a été torpillé. La mer est jonchée de ces barils et les équipages en attrapent une soif intense. Malheureusement ou heureusement, faute de moyens adéquats et de temps et à cause de la forte houle qui régnait ce jour là, aucun baril ne peut être repêché.
Notre tableau de chasse aux mines grandit, petit à petit, au grand plaisir de tous. Tous les six mois chaque bâtiment subit une révision de moteurs, suivie d'un carénage, à IPSWICH. Pendant ces travaux, une permission de 8 jours est donnée à tout l'équipage qui en a bien besoin,
Au port, la vie n'a rien d'attrayant. Toutes les nuits, les alertes se succèdent et il est rarement possible de dormir avant 1 ou 2 heures du matin et bien souvent, nous quittons déjà le port, dès 5 heures.
Pourtant quand on revient d'une opération jusqu'à LOWESTOFT, après avoir passé la nuit dans ce port, HARWICH donne un sentiment de sécurité.
Cette dernière base est bien défendue par des ballons et par un nombre imposant d'armes anti-aériennes installées à terre et surtout grâce à l'artillerie AA des dizaines de navires qui y sont amarrés.
A LOWESTOFT, au début, les attaques aériennes se succèdent jour et nuit. La protection offerte par les ballons n'existant pas, les avions allemands volent parfois en rase-mottes entre les estacades pour attaquer le port et la ville. Le hurlement des sirènes de début et de fin d'alerte se succèdent continuellement. L'aspect de la ville y est du reste à l'avenant.
(1) Les eaux de la côte est de Grande Bretagne et spécialement du SE étaient ainsi appelées à cause des attaques incessantes des vedettes allemandes (E. BOAT ALLEY).
Il y a cependant à HARWICH, quelques distractions pour les équipages. Un cinéma est installé dans un hangar de la gare maritime et l'on y donne 2 séances par soirée. Il y a aussi les cantines.
En ville, à DOVERCOURT et HARWICH, à part les pubs et le club des officiers de MICHLESTONE, les distractions sont inexistantes.
Le Noël et le Nouvel An arrivent et chacun pense davantage aux siens, là-bas en pays occupé. Heureusement, les messages de la Croix Rouge nous donnent de leurs nouvelles, mais parfois avec un an de retard.
1943
Ainsi commence l'année 1943 sans que la fin des hostilités ne soit en vue.
Au début de cette année le MMS 188 et ensuite le MMS 193 sont envoyés pour 6 semaines, à WIVENHOE, près de COLCHESTER, pour y recevoir un nouveau presse-étoupe.
Cette pièce, d'où sort l'arbre d'hélice, constitue, en effet, le point faible des NLMS.
WIVENHOE est un petit port sur la rivière COLNE. On y arrive qu'à toute marée haute. Il y a en effet si peu d'eau qu'à marée basse, on pourrait la traverser à pied.
A l'embouchure de cette rivière, se trouve BRITLINGSEA, petit port qui est bien connu des yachtmen, en temps de paix.
Le nombre de bâtiments de guerre croit sans cesse dans la base et le nombre de mines a draguer, ne diminue certainement pas non plus.
Je suis désigné, en qualité de Commandant de flottille, en remplacement du Lt Commander SHEPHERD.
Le Captain T.W. MARSH, R.N., D.S.O. succède au Captain EVANS comme Captain M/S. Ce dernier suivant la tradition, est remorqué dans sa voiture par tous les commandants qui le conduisent en tirant les drosses de remorques jusque sur le quai de la gare de PARKESTON.
En été 1943 une autre opération a lieu pour débloquer une petite rivière, la rivière CROUCH, près du petit port de BURNHAM, où les guetteurs ont vu tomber un objet pendant un raid aérien. Cette opération doit se faire à marée haute car il nous faut passer au-dessus d'un banc de sable pour y arriver.
L'objet est bien une mine qui fait une belle gerbe de boue, lorsqu'elle éclate.
Le 15 octobre 1943, les MMS 187 et 193 se voient attribues des équipages presque entièrement belges. C'est avec plaisir que nous voyons les Cdts VAN WAESBERGHE et DE KETELAERE se joindre à nous.
Les équipages des UNS 188 et 191 sont déjà, depuis quelques mois, entièrement composés de marins belges (1).
Fin 1943 se situe également la visite de S.A.R. le Duo de Gloucester.
Cette visite tenue secrète jusqu'à la dernière minute, pour raisons de sécurité, se résume à une inspection des EM. et équipages des dragueurs qui sont passés en revue sur le "parade ground",-suivie d'une présentation des Commandants de flottille, à bord du BIS EPPING.
Outre les flottilles anglaises et belges, une flottille de dragueurs hollandais est également basée à HARWICH. Nous entretenons, avec ces derniers, les mêmes excellents rapports qu'avec les dragueurs anglais.
Différentes opérations spéciales de dragage sont effectuées pendant les périodes calmes pour nettoyer des chenaux de diversion ainsi que pour procéder à l'élargissement des chenaux principaux,
Ces chenaux de diversion sont utilisés, par les convois. Ces dragages spéciaux sont toujours bien accueillis, car ils constituent un travail hors routine et nous donnent l'occasion d'augmenter notre tableau de chasse.
A l'Est du Shipwash, un de ces anciens chenaux de diversion est nettoyé en 1943 il sera utilisé par la suite, à diverses reprises par les convois.
(1) Malgré le vif désir exprimé par plusieurs anglais de rester à notre bord, l'Amirauté voulait, pour autant que cela soit possible, formés des équipages complètement belges. Sur le MMS 188, les 2 derniers anglais à quittés le bord furent le cuisinier et le steward. Le premier s'était habitué à faire de la cuisine belge et avait reçu pour cela des leçons des matelots belges, souvent pêcheurs de métier.
De petites opérations sont quelquefois effectuées pour les navires du Trinity House, navires poseurs de bouées. Comme, en général, les vedettes et les avions allemands mouillent leurs mines à proximité des bouées, il est nécessaire de faire un nettoyage dans un certain rayon autour de ces dernières, chaque fois que le Trinity House vessel doit y travailler.
A plusieurs reprises, nous faisons sauter des mines dans les parages et parfois devant le nez du THV qui attend que nous lui fassions le signal d'approcher.
Les bouées d'épaves sont également autant d'attractions pour les vedettes allemandes poseurs de mines et, petit à petit, de nouvelles épaves viennent s'ajouter aux premières. C'est ainsi qu'à certains endroits, les mâts de plusieurs navires se situent tous dans un rayon de quelques centaines de yards.
Les courants dans cette région de la Mer du nord sont violents et même les Cdts les plus expérimentés ont besoin de toute leur attention pour ne pas mettre les dragues à mal au cours des opérations de dragage le long de ces épaves.
D'autres opérations sont effectuées dans les chenaux de transit par où passent des navires de protection : destroyers, corvettes, chalutiers radar etc ... ainsi que pour les gros navires de guerre tels que, porte-avions, croiseurs de bataille.
Régulièrement, le long de la côte, depuis HARWICH jusqu'à LOWESTOFT, des dragages sont effectués pour protéger le trafic des coasters et des barges de la Tamise. Ces dernières, toutes voiles rouges dehors sont une apparition insolite à cette époque troublée. Pourtant, elles continuent paisiblement leurs voyages comme si de rien n'était.
Un jour, un cargo retardataire d'un convoi, a manqué une bouée du chenal et en s'éloignant de celui-ci il est allé s'échouer sur le banc de LONGSAND. Il fallut monter toute une opération pour y conduire les remorqueurs ainsi que le navire de protection A.A. (ces navires A.A. étaient des paddlesteamer, anciens navires d'excursion).
Les opérations sont souvent menées en commun ce qui contribue à créer un excellent esprit parmi les équipages des 3 nations.
A cette époque, tous les dragueurs, avec des équipages belges, battaient le pavillon de la Royal Navy et ce ne fut, qu'au retour en Belgique que le pavillon belge fut arboré à côté du White Ensign, ceci contrairement à ce qui se faisait à bord des corvettes.
Lors du second hiver, que je passe à HARWICH, les attaques aériennes se font plus rares mais pendant la nuit de Noël, passée au port, nous nous apercevons que la Luftwaffe est encore bien vivante.
Dès 1943, afin d'assurer leur défense anti-aérienne, les 118 sont équipée de ballons captifs. Cette mesure empêche tout au moins les avions ennemis d'attaquer en piqué.
Lorsque les attaques aériennes ont lieu pendant les opérations de dragage, ces bâtiments sont des cibles faciles car de par le remorquage des dragues, leurs manoeuvrabilités, leur vitesse sont considérablement réduites. Le ballon diminue les risques mais est un instrument bien encombrant. En effet, à la moindre avarie de leurs ailerons, ces ballons effectuent des mouvements désordonnés il arrive qu'en formation, un de ces engins tombe à la mer ou s'accroche dans le navire du voisin, qui rentre alors avec 2 ballons.
La 118 flottille est chargés d'expérimenter de nouvelles tactiques de dragage et de nouvelles dragues rendant ainsi le travail plus intéressant.
Une de ces dragues, appelée "piston displacer", est une lourde drague acoustique qui donne bien des ennuis au MMS 193 (Cdt Van Waesberghe), chargé de la remorquer. L'engin est en effet trop pesant pour pouvoir être mis à l'eau, avec les moyens du bord s il doit être remorqué, à partir du quai.
Le "2 PDE, A" pour lui donner son abréviatif exact, devait donner des résultats spectaculaires. Vu l'incertitude des réactions des mines acoustiques, un second LINS, le 187 devait l'accompagner à distance (2 milles) pour éventuellement secourir le 193, Il y a lieu de croire que les mines acoustiques allemandes de cette époque n'étaient pas du type supposé par l'Amirauté britannique car le résultat fut décevant et le 187 n'eut pas à intervenir.
Une drague explosive (1) est également essayée, dès les premiers essais, plusieurs mines sont mises hors d'état de nuire. Cette drague était appelée "Grenade Sweep" suite à l'utilisation d'un chapelet de grenades Mille qui, placées dans un tube, étaient poussées à la mer au moyen d'un bâton.
(1) Ces dragues alors dans un état expérimental vraiment primitif n'étaient pas sans donner du souci, car chaque grenade devait être amorcée et armée à la main en mer et le nombre utilisé pendant une opération était important.
En explosant sous l'eau, elles produisaient une suite de détonations ce roulement parvenait à faire sauter des mines coriaces. D'autres mines plus sensibles explosaient à grande distance, c'est pourquoi, pendant les premiers essais, un avion d'observation Walrus nous survolait.
Des dragages spéciaux sont ensuite effectués pour nettoyer des chenaux et ancrages peu utilisés jusqu'ici et les vieilles mines dont certaines ont été mouillées depuis longtemps nous sautent quelquefois vraiment sous le nez.
De temps en temps, nous voyons passer un porte-avions, ou un battle-ship, pour lesquels un dragage spécial des chenaux est toujours effectué.
Fin 1943, on nous enlève le A FRAME (instrument placé à la proue) pour le remplacer par un bruiteur à suspendre sous la quille. Nous sommes heureux d'être débarrassés de cet objet encombrant.
1944
Au début de 1944, les MNS 77 et 43 sont armés d'équipages belges et se joignent à la 118e flottille.
Ils ont comme commandants le LDV STEENS, mon ancien 1er Lt, et le LDV VERVYNCK, l'ancien 1er Lt du 193 qui, par la suite, est remplacé par le LDV WAIGNIEN.
La flottille se compose ainsi dorénavant des MMS 187 - 188 - 191 - 193 - 43 et 77.
En 1944, différents dragages sont effectués en vue de la libération du Continent et entre autres le long des SOUTH FALLS, pour ouvrir un chenal qui conduirait, par la suite, vers Ostende et Anvers.
Au début de 1944, nous perdons également un MMS hollandais, le "MARKEN" qui saute sur une mine près de la bouée 51, emplacement actuel du Sunk light vessel.
L'enquête conclut que c'est probablement à une mine acoustique, mouillée la nuit précédente et qui se trouvait par un malheureux hasard, dans une dépression du fond, que le navire dut sa perte. La drague acoustique n'eut d'effet que lorsque le dragueur fut pratiquement au-dessus de la mine.
Nous perdons ainsi plusieurs camarades, un seul membre de l'équipage en réchappa.
La passerelle flotta encore plusieurs jours dans le secteur et le moteur principal fut repéré dans le trou fatidique où se trouvait probablement la mine fatale.
Le reste du navire doit s'être volatilisé lors de l'explosion.
Début 1944, nous voyons également exploser une forteresse volante américaine, non loin de nous. L'appareil fut réduit en pièces, qui, pendant quelques secondes, semblèrent continuer à voler avant de s'écraser en mer.
Nous repêchons les objets les plus hétéroclites appartenant à l'équipage, bottes, objets d'équipement, ainsi qu'une roue de train d'atterrissage mais aucun membre de l'équipage ne peut être sauvé. Le tout est remis à la base pour l'enquête.
En mars, au moment où j'accoste à PARKESTON, j'ai le plaisir d'apprendre par le S/Lt de Giey, que je suis promu Capitaine de Corvette.
C'est à partir du printemps 1944, que les ports et les rivières et en particulier HARWICH, deviennent de plus en plus encombrés.
Depuis un certain temps déjà, nous voyions arriver des bâtiments américains, destroyers, frégates, corvettes, dragueurs océaniques et côtiers ainsi qu'une quantité de bâtiments britanniques de classes similaires parmi lesquels nous avons le plaisir de voir, pendant quelques jours, la corvette GODETIA, commandée par le CPC LAROSE avec équipage belge et qui comme moi vient d'être promu au grade de Capitaine de Corvette.
De très nombreuses flottilles de chalands de débarquement de toutes classes transitent dans notre secteur. Nous apercevons aussi des engins, en béton armé, ayant la, forme de cales sèches flottantes. Personne, à ce moment, n'a l'idée que ce sont les parties de ports préfabriqués qui défilent sous nos yeux.
De nouveaux dragueurs, de construction américaine, arrivent déjà depuis un certain temps. Un jour un de ces bâtiments, de la classe BYMS, accoste près de nous, son commandant le LDV GHEUR est un compatriote qui est allé chercher ce dragueur aux USA.
Tout ce remue ménage donne à penser que quelque chose de sérieux se prépare.
Un matin, nous trouvons le port vide et c'est en mer que nous apprenons, par la BBC, que le D Day est enfin arrivé et que le débarquement est en cours. Le nombre de convois à protéger a augmenté considérablement et la 118e flottille est envoyée à SHEERNESS pour préparer la libération de la côte belge.
C'est là qu'un matin de septembre, je reçois un message m'ordonnant d' embarquer l'après-midi, à bord du BYMS 2252, en compagnie du Captain HOPPER, R.N.
Il s'agit d'aller reconnaître la côte belge, qui vient d'être libérée et d'y inspecter les eaux, déterminer la position des bouées allemandes marquant certains chenaux et préparer de nouveaux chenaux d'accès vers Anvers. Ce port doit être libéré le plus rapidement possible pour ravitailler les armées alliées. Mais les Allemands tiennent toujours l'embouchure de l'Escaut et il faudra encore 2 mois avant de les en déloger.
Arrivés au petit matin devant Ostende, nous approchons du port dont l'entrée semble inaccessible. Curieuse sensation de voir cette ville que l'on connaît si bien et qu'on à peine à reconnaître vu les nombreuses destructions.
C'est dans un canot à rames, en louvoyant entre les mâts et les cheminées des 14 épaves qui bloquent le port, que le Captain HOPPER et moi-même entrons dans le port d'Ostende. L'estacade ouest est en feu.
Lorsque nous approchons de ce qui est actuellement le quai du North Sea Yacht Club, à l'entrée de l'estacade ouest, les hommes des premières équipes arrivent par voie terrestre, directement de Normandie et qui sont déjà occupés à déminer les quais, ils nous indiquent l'endroit où il est possible de débarquer. Il s'agit de ne toucher à rien avant leur passage car tout ici est miné ou piégé.
Ces quelques heures passées à Ostende, me permettent de me rendre compte de l'état lamentable de la ville. Les bombardements allemands et alliés et l'occupant en se retirant ont causé de nombreuses destructions aux installations maritimes et dans la ville. Les plages sont farcies d'asperges de Rommel et de fortifications. Nous sommes en présence de ce fameux mur de l'Atlantique.
J'apprends par des Ostendais que ma femme et mes enfants ont été évacués en mars et cela me rassure.
Au port, les plongeurs des "P. Parties" sont occupés à désamorcer les mines marines. Le Commander MAC KENSIE, R.N.V.R. Salvage officer, est confronté avec le problème du dégagement de l'entrée du port en détruisant les épaves et décide d'utiliser des charges de fond.
Ce même matin, les premières explosions se font en effet bientôt entendre et font trembler tout le quartier du port.
Nous rembarquons à bord du BYMS 2252 pour commencer, dès l'après-midi, le relevé des bouées allemandes.
Le surlendemain, au moment de notre départ pour rentrer à SHEERNESS, une quantité innombrable d'avions et de planeurs nous survolent. L'opération NIMEGUE a commencé.
Dès mon retour à SHEENESS, la 118e flottille se prépare à rallier Ostende où elle arrive fin du mois. Un étroit chenal a entre-temps été ouvert et nous pouvons nous glisser dans le port.
Jugez de l'émotion qui étreint les membres des équipages qui ont leur famille en Belgique et qu'ils n'ont plus revue depuis 4 ans.
Après un congé de 3 jours, au cours duquel j'ai l'occasion d'aller à Bruxelles revoir les miens, tout le monde (1) reprend le travail avec courage et le moral est au zénith.
Au fur et à mesure de l'élargissement du chenal entre les estacades, le port d'Ostende est utilisé de plus en plus pour le ravitaillement des armées alliées et le transport de troupes. C'est le seul port praticable sur toute la côte depuis Le Havre. Les ports de Boulogne, Calais et Dunkerque, à l'ouest, sont en effet toujours occupés et Zeebrugge, à l'est, est totalement détruit.
A noter que les équipages au grand complet ont rejoint leur bord. Il n'y eut aucun retardataire.
Ostende à présent déborde d'activité. Transports de troupes, LST, petits cargos et tankers y entrent et sortent à chaque marée haute.
Pour les dragueurs, qui s'amarrent tant bien que mal, à une estacade branlante du port de pêche, non loin de la minque entièrement démolie (annexe VI), il n'est pas toujours aisé d'entrer et de sortir du port, à cause du trafic et c'est encore en mer que l'on est le mieux malgré le mauvais temps qui sévit à cette période. Bientôt plusieurs flottilles britanniques viennent nous rejoindre.
Ce ne sera que plus tard que les dragueurs pourront s'amarrer, au quai Cockerill, non loin du pont de Sas Slykens. Les bureaux de la base de dragage seront alors transférés au quai du Car ferry. C'est le long de ce quai, appelé alors quai Istanbul, qu'on novembre 1944, un navire chargé de munitions coulera après avoir touché une K mine non détectée par le "P. Party". Le navire, aussitôt déchargé, sera rapidement relevé.
Les opérations de dragage seront entreprises sans arrêt, entre autres devant MIDDELKERKE et OSTENDE, où les 7, 8 et 9 octobre, 10 mines magnétiques et acoustiques sont détruites par la 118e flottille.
En octobre également, je suis appelé à remplacer, pendant dix jours, le Commander M/S Ostende rentré en Grande Bretagne.
Toute la Navy à terre avait ses bureaux et logements à l'Hôtel du Littoral appelé Navy House pour la circonstance.
Le bureau de dragage était installé au 5e étage donnant sur la mer. Souvent, des explosions faisaient osciller tout le building qui était le seul hôtel resté plus ou moins intact. Ces explosions venaient soit de la mer, explosions de mines marines, soit de la plage où les équipes de démolition du génie britannique détruisaient les défenses allemandes.
L'hôtel devait avoir été utilisé par l'EM de la Kriegsmarine car l'intérieur était bien conservé et même luxueux pour l'époque.
C'est pendant cet intérim que, pour la première fois, je me suis vu confronté avec le problème du déminage de Zeebrugge. Vu les destructions et le nombre de mines marines mouillées, ce travail dût être postposé. L'abri de commande des mines contrôlées semblant intact, le Sous-Lieutenant GORDON, R.N.V.R, chef de l'équipe "P. Party", essaie pourtant de les faire exploser. La plupart ne répondent pas au courant électrique et bien plus tard d'autres moyens devront être employés.
Après ce bref séjour à terre, je reprends le dragage en mer et je n'aurai plus à m'occuper du problème de Zeebrugge, avant juillet 1945. Je retrouverai du reste, à peu de chose près, la rade dans le même état qu'en 1944.
L'automne venteux rend la vie difficile sur ces petits bâtiments. Bientôt se prépare l'opération Walcheren. Il faut draguer des chenaux en direction de cette île pour permettre aux "landing crafts" (1) et aux navires de soutien, tel que le Warspite, d'approcher.
Puis vient l'ouverture de l'Escaut. Le premier convoi, précédé des dragueurs belges MMS 193 et 77, parvient à Anvers le 28 novembre.
A Anvers, une équipe de "P. Party", venant de Normandie, a commencé, dès la libération du port, à draguer les bassins, au moyen d'appareils placés sur camion et appelés "portable pulser". Cette méthode consiste en fait à installer sur camion des appareils de dragage magnétique du même type que ceux se trouvant à bord des dragueurs, une génératrice envoie un courant haute tension dans une drague magnétique placée sur le plan d'eau.
Des plongeurs sont également occupés à chercher les mines dans les bassins.
Nous apprenons que deux marins belges volontaires à la R.N. ont été tués à Anvers. Il s'agit du bootsman Johnson J.C. qui, le 12/9/44, a sauté sur une mine dans l'Escaut, à bord d'un remorqueur. L'autre victime est le Sous-lieutenant Cartier de Marchiennes, R.N.V.R., tué par une balle, au nord d'Anvers, le 29 septembre.
Fin 1944 apparaît, devant Ostende, un engin bizarre. De loin, cela ressemble à une coque de chaland dont on aurait coupé toutes les super structures. De près, c'est un grand rectangle ayant, plus ou moins la longueur et deux fois la largeur d'une algérine. L'intérieur est formé de nids d'abeilles. L'engin qui s'appelle "EGGERATE" doit être utilisé pour s'attaquer aux mines à pression que les Allemands utilisent depuis quelques mois et que personne ne sait comment draguer. Il doit produire un fort déplacement d'eau et simuler ainsi le passage d'un navire de gros tonnage, très lourd et très peu manoeuvrable, il doit être remorqué par deux algérines. Ces dernières sont assistées par 2 trawlers qui passent les remorques et l'ancre, à un coffre, mouillé au large d'Ostende.
L'EGGERATE eut peu de succès, l'engin fut endommagé par une mine et l'on ne sut jamais de quel type de mine il s'agissait.
Un jour de tempête, il partît à la dérive et faillit boucher le port d'Ostende. Finalement, il s'échoua sur la plage d'où il fut impossible de le récupérer. Sa carrière finit sous les chalumeaux des démolisseurs.
Entretemps, le Commander M/S Belgium, Commander Spencer Shelly STANWITZ DSC, R.N. a établi son bureau à bord d'un yacht amarré au bassin Montgomery.
Un autre jour, au large d'Ostende, un petit pétrolier ancré dans la grande rade est torpillé. Le navire heureusement lèger se casse en deux. L'avant, complètement retourné, part à la dérive et, tout comme L'EGGERATE bloque le port en se promenant devant les estacades. L'arrière avec le château flotte encore une bonne partie de la journée avec quelques hommes à bord. Vers 16 heures, il faut évacuer le personnel, car le demi-navire prend de la bande et bientôt il fait le cumulet pour s'échouer ensuite la quille en l'air.
Il y a lieu de noter que depuis quelques semaines les allemands utilisent des sous-marins de poche contre le trafic marchand au large de la côte belge et à l'embouchure de l'Escaut. Ces sous-marins sont armés de mines et de torpilles. Des canots explosifs dirigés par radio sont également employés. Tous ces engins partent des îles hollandaises encore occupées. Bon nombre de ces sous-marins sont coulés ou même capturés. Un dragueur anglais parvient même à en capturer un avec sa drague.
A remarquer que déjà pendant la guerre 1914-18 les allemands ont utilisé sur la côte belge des canots explosifs dirigés à distance. Le 11 décembre, le MMS 257 (britannique) saute sur une mine à l'entrée de l'Escaut.
1945
Début janvier la 118e flottille est envoyée dans l'Escaut. Remontant le fleuve nous passons entre Ste Marie et Royerssluis un dragueur allemand échoué près de la rive droite. Ce bâtiment surpris en septembre 1944 par la rapide avance canadienne appareilla sans pilote. Pris sous le feu des tanks canadiens sur la rive gauche, le bâtiment s'échoua et l'équipage prit la fuite vers la Hollande abandonnant le navire à son sort.
Nous nous installons dans la Métropole où j'exerce dorénavant les fonctions de Commander M/S Antwerp en cumul des fonctions de Commandant de Flottille. Le Sous-Lieutenant POSKIN est adjoint en fonction d'officier d'opérations.
Notre bureau a été installé dans un bâtiment de la Canadian Pacific, près du pilotage, (sous les hangars et un atelier de réparation y fonctionne au rez de chaussée.
Les dragueurs sont amarrés au même quai, ce qui offre l'avantage d'avoir tout le monde sous la main.
L'hiver est rude, le froid, les glaces, les V1 et les V2 rendent la vie difficile.
Ce sont néanmoins les glaces qui sauveront la flottille. En effet, comme elles entourent les coques des dragueurs en bois et risquent de les détériorer je décide de les abriter dans le Bassin Bonaparte, car les glaces sont si compactes qu'il n'est plus possible pendant quelques jours d'effectuer une opération de dragage.
Les petits bâtiments quittent le quai à 10h00 et à 14h00 un V2 explose le long du quai où ils étaient amarrés le matin même.
A Anvers, nous avons retrouvé quelques belges servant également dans la R.N., ce sont le Lieutenant LIBERT, commandant le dépôt des équipages belges à Anvers, le Lieutenant de SCHUTTER qui travaille à l'opération des NOIC Antwerp et de nombreux pilotes de l'Escaut qui ont été rappelés pour servir dans la R.N. Section Belge.
Le dragage n'est pas aisé car remorquer des câbles de 500 m entre les navires remontant ou descendant l'Escaut, n'est pas une besogne facile.
En mars CEULEMANS est promu Lt Cdr.
Pendant notre séjour à Anvers, les flottilles de dragueurs anglais continuent à draguer dans le secteur d'Ostende.
A Ostende, le 14 février 1945, un terrible accident se produit dans une flottille de "MT-B" (1) amarrés devant l'entrée de l'écluse du bassin de la ville. Une explosion fait sauter 14 "MTB" britanniques et canadiens faisant un grand nombre de victimes parmi le personnel.
Deux de ces torpilles repêchées plus tard dans le chenal d'Ostende se trouvent actuellement dans le musée des mines, à Ostende.
C'est au même endroit qu'un incident tragi-comique s'était produit quelques mois auparavant. Le bureau du DISPATCH SERVICE (2) se trouvait dans un bunker situé sur ce quai, l'officier en charge était le LDV DEPOORTER. Un jour ce dernier remarquait des ouvriers occupés à repaver la route d'approche de son bureau, à sa grande stupeur, il s'aperçoit que les soi-disant pierres utilisées sont des briques d'exonite de couleur verdâtre (explosif puissant abandonné là par la Kriegsmarine et dont personne ne connaissait la présence).
Quand DEPOORTER expliqua aux hommes avec quoi ils repavaient, ces derniers ne demandèrent pas leur reste !
Début avril 1945 le danger des mines ayant fortement diminué dans l'Escaut, notre flottille est dirigée sur WEMELDINGEN par le canal d' HANSWEERT.
Différentes opérations sont entreprises dans la partie sud de l'Escaut oriental et nous devons attendre jusqu'au 10 mai pour pouvoir aller plus loin, il existe à GONS non loin de WEMELDINGEN un EM Britannique de commando de marine appelé Force T (3). Cette force effectue régulièrement des raids de nuit le long des berges de l'Île de Schouwen aux fins de capturer des prisonniers.
(1) Vedette lance-torpilles.
(2) Service de vedettes estafettes entre Ostende et Douvres.
(3) Amphibious FORCE T.
Notre mission cette fois est de draguer l'Escaut Oriental PU vue, du ravitaillement de la population hollandaise. La colonne de ravitaillement est prête à partir, au premier signe de capitulation allemande, le bruit court même que les allemands seraient disposés à la laisser passer.
Le 10 mai, la flottille continue son boulot dans l'Escaut Oriental mais la capitulation ayant eu lieu et grâce aux contacts radio pris par Force T avec les Allemands, je me rends à la Kommandatur de Zierikzee pour y obtenir les plans des champs de mines. Sensation bizarre de se voir saluer par les sentinelles allemandes devant cette Kommandatur et d'entrer en contact avec les officiers feldgrau J. Les cartes reçues facilitent notre tâche dans ces eaux étroites et à fort courant.
Aussitôt les plans obtenus, nous commençons à draguer de Zierikzee vers Tholen et par les chenaux de KETEN et MASTGAT.
Le travail continue ainsi jusqu'en juillet et diverses mines sont draguées non loin de leurs positions indiquées par les cartes allemandes. Pendant ces opérations nous longeons les petits ports hollandais de BRUINISSE et STAVENISSE, qui sont complètement déserts et parait-il minés.
Dans le MUSTGAT le courant est très violent et les dragueurs ont peine à le remonter.
En juillet c'est le retour à Ostende. La guerre est finie en Europe mais pour les dragueurs rien n'est changé. Il s'agit de nettoyer le secteur attribué à la Belgique.
Le nombre de mines draguées par la 118e flottille pendant la guerre est important. Je n'ai malheureusement pas les archives me permettant d'en connaître le nombre exact. Le chiffre de cinquante mines par dragueur peut être estimé.
Autant de mines draguées autant de navires sauvés. On sait en effet qu'une seule mine est capable de briser en deux un gros navire.
En juillet, je suis débarqué. Le CPC CEULEMANS me remplace en qualité de commandant de flottille. Le MMS 188 est alors commandé par le LDV GHEUR .
Je suis adjoint au Commander M/S HOGG, R.N.R. pour l'aider dans la direction du dragage du secteur alloué à la Belgique.
Le Directeur Général de la Marine Monsieur H, DEVOS qui en prévision du départ des britanniques a déjà, dès avant la fin de la guerre, entrepris des pourparlers avec l'Amirauté et avec ses autorités gouvernementales belges, écrit ce qui suit
Le 8 novembre (1) dernier ayant marqué la fin des accords d'aide mutuelle, l'autorité navale anglaise a cessé d'assurer, dès ce moment, la gestion de divers services en Belgique qu'elle avait organisés et indispensables à la navigation, notamment pour assurer :
1) l'accessibilité de nos ports nationaux par des opérations de déminage de nos eaux maritimes. Celles-ci ont été commencées par elle et rien ne peut la contraindre de les continuer. Nous ne pouvons songer non plus à les abandonner alors que le danger des mines persiste dans nos eaux et y rend la navigation des plus dangereuse ce serait sciemment entraver la reprise des activités de nos ports nationaux et ajouter de nouvelles pertes de tonnage à celles déjà subies 63 navires - 3000,117 'T.B.).
2) la démagnétisation des navires assurant le trafic de et vers nos ports.
Cette démagnétisation s'impose, tant pour la sécurité des navires que des équipages.
Qui oserait courir le risque de maintenir ces dangers de catastrophes et de mort certaines dans nos eaux nationales sans que tout ne soit mis en oeuvre pour les écarter avec les moyens dont nous disposons ?
Qui voudrait de plus fermer nos ports à la navigation, alors que le pays entier s'est réjoui des perspectives données au port d'Anvers de développer son trafic dans des proportions imprévues ?
Ce serait douter de tout sens moral que de se l'imaginer, quand nous disposons des possibilités et des moyens appropriés pour porter remède à cette situation.
Les possibilités sont représentées par le matériel mis à notre disposition par l'Angleterre, et les moyens consistent dans l'affectation des effectifs de la Royal Navy Section Belge, aux tâches pré mentionnées, qui ne sauraient être accomplies par des éléments civils introuvables et dont l'impréparation à des travaux de ce genre, rendrait le coût de ces taches beaucoup plus onéreux sans la moindre garantie de leur complète exécution.
Pour utiliser toutefois ces dits effectifs dont l'entretien et la rémunération doit incomber à notre gouvernement, ce dernier se doit de constituer avec eux une section ou formation navale belge placée directement sous son autorité et relevant uniquement de son pouvoir.
A noter que le Ministre des Communications de l'époque Monsieur Rongvaux a lui-même, en septembre 1945, plusieurs entrevues avec Lord Alexander Premier Lord de l'Amirauté et avec l'Amiral King pour résoudre ce problème.
Quelques mois plus tard, suite à ces tractations, le dragage devenant une responsabilité nationale, je remplace le Commander HOGG en qualité de Commander M/S Belgium.
Les flottilles anglaises qui travaillaient avec nous regagnent le Royaume-Uni où petit à petit leur personnel est démobilisé.
Le dragage des mines, dans la région de l'Europe, est alors coordonné par un organisme international siégeant à Londres, appelé East Atlantic Zone Board. Cet organisme, qui comprend des représentants navals de tous les pays alliés, se réunit tous les mois dans les bureaux de l'Amirauté, à White Hall il est chargé d'étudier les rapports de dragage et de décider quand un chenal, une région ou une zone peuvent être déclarés libres de mines et acceptables pour la navigation commerciale, ceci toujours avec les réserves d'usage, réserves qui par la suite se sont montrées nécessaires. Voir par exemple la perte en secteur français du paquebot belge "Princesse Astrid.
J'ai souvent eu l'occasion d'assister à ces réunions jusque fin 1946, époque à laquelle le Capitaine de corvette Van Waesberghe me succéda à la direction du dragage de mines, suite à ma désignation pour L'E.M. du Corps Naval, nouvellement créé.
Le nombre de bâtiments de la 118e flottille, composée primitivement de 2, passa successivement à 4, 6 et puis à 8 bâtiments.
A la date du 1er février 1946, la flottille se composait comme suit :
MMS 187 - 188 - 191 - 193 - 75 - 79 - 112 et 1020 (le MMS 77 avait déjà été remplacé par le MMS 75 suite à un incendie qui s'était déclaré en mer, à bord du premier, et le 43 remplacé par le 79. De plus, le MMS 112, appartenant à une flottille anglaise, opérant à Ostende, avait été repris par les belges, lors du départ de cette flottille).
Par la suite, le 8 mai 1946, aux fins d'avoir une flottille dont les bâtiments auraient les moteurs d'une même fabrication (National pour le moteur principal et Gardner pour les groupes électrogènes), certains MMS furent échangés contre des bâtiments britanniques. La flottille était alors composée des MMS 187 - 188 - 191 - 193 - 182 - 189 - 266 et 1020.
Ces dragueurs continueront leur travail jusqu'en 1954 et seront soit rendus à la Royal Navy, en Grande Bretagne, soit vendus, sur place, par l'Amirauté britannique.
Conclusions.
Le rôle de la 118e flottille s'est terminé, le 31 janvier 1946, lorsque, sous la pression de nécessités impérieuses, la Section belge de la Royal Navy est devenue la Force navale le ter février 1946.
Cette flottille était composée d'éléments disparates, officiers et personnel subalterne venant de la Marine de l'État (Paquebots et Pilotage), de la Marine marchande et de la pêche hauturière.
Elle comprenait également un bon nombre de jeunes gens, évadés de Belgique, parmi lesquels se trouvaient plusieurs étudiants.
Ces jeunes hommes étaient issus des différentes classes sociales de notre population et cette diversité ne constitua pas un handicap car ils parvinrent, après une brève période d'adaptation a accomplir du travail utile dans des circonstances difficiles. Ils réussirent, grâce à leur sens civique, à conserver un moral très élevé.
Ils acceptèrent, de gaieté de coeurs la discipline de la Royal Navy, dont nous conservons les traditions, et très rares furent les cas disciplinaires graves.
La mission principale de la Force navale étant la lutte contre les mines, il est incontestable que c'est grâce à cet embryon, qui s'est initié à cette spécialisation que notre Pays fut doté d'une troisième force.
Les autres marins qui avaient servi également dans la Section belge de la Royal Navy, mais dans d'autres spécialités et qui sont passés à la Force navale se sont parfaitement adaptés.
Tous unis, dans un effort communs ils ont formés des états-majors et des équipages compétents qui ont conquis une place honorable parmi les marines de l'OTAN.
Texte Neptunus
Groupe d'MMS
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