MICHEL, Jules Achille
(1821-1911)
Michel Jules, Achille, toujours nommé par son second prénom, est né à Givet, le 6 mars 1821, et décédé à St. -Gilles-lez-Bruxelles, le 13 septembre 1911, à l'âge de 90 ans. Ses parents étaient de Dinant. Le père (1793-1844), Jean-Baptiste, était bibliothécaire et accordeur de pianos à l'Ecole Royale de Musique, à Bruxelles (actuellement le Conservatoire Royal de Musique). Il y fut également accompagnateur de chant et professeur de Solfège et des principes de la musique. Enfin, il était organiste à I' église St.-Jacques-sur-Coudenberg (place Royale actuelle). Il était le dernier-né des quatorze enfants de François (1740-1810), peintre-décorateur et sculpteur sur bois. Trois de ses frères, Henri Augustin (Auguste) (1'755-1811), Dieudonné François, né en 1789 et Auguste-François, né en 1790, étaient artistes-peintres. II est probable qu'Achille avait hérité du talent de ses oncles. En effet, dès sa plus tendre enfance, il aimait à dessiner et à colorier ses dessins. C'était devenu une véritable passion et son père ne manquait jamais de I'encourager dans cette voie. A.u cours de ses. nombreux voyages, outre-mer, il fit plusieurs aquarelles remarquables. Ayant reçu à I' occasion de son dixième anniversaire, des compas et des équerres, il fit du dessin linéaire et, là encore, il fut encouragé par son père qui, peut-être, voyait là, une occasion pour son fils de se créer une situation comme dessinateur. Le fait se présenta et le 30 janvier 1833, donc à l'âge de 12 ans, le jeune Achille était nommé dessinateur surnuméraire au service des Travaux Publics de la ville de Bruxelles. Le 4 jnin 1835 il devenait dessinateur en tÏtre au traitement annuel de ... 200 fr. Le 30 novembre 1836, il démissionnait. On en connaîtra les raisons plus loin. Cette démission fut acceptée. Le Conseil Echevinal de l'époque déclara que pendant les 3 ans et 9 mois que Michel Achille a été au service de la Ville, il n'a cessé de donner des preuves de zèle, d'intelligence et d'assiduité au travail. Tout en se consacrant entièrement aux nécessités qu'occasionnaient ses fonctions aux Travaux Publics de la ville de Bruxelles, Achille songeait à la Meuse, aux bateaux et aux barquettes qui la fréquentaient, à la mer qu'il avait vue, se trouvant quelques jours à Ostende, en 1835 chez l'un des amis de son père. Cette mer I'avait captivé et ce fut, dès lors, le coup de foudre. Entrer à la marine était devenu son idéal et, d'accord avec son père, il se présenta le 21 novembre 1836 au concours public institué par le Ministère de la Marine, pour I' obtention du grade d'aspirant de seconde classe dans la Marine. A l'insu de son père, il s'était procuré les conditions du concours et' s'était instruit, en conséquence, sans l'aide de qui que ce soit. Achille réussit à l'entière satisfaction du Jury et le lendemain il offrait sa démission à la ville de Bruxelles!
Le voilà donc, à l'âge d'un peu moins de 16 ans aspirant de seconde classe dans la Marine Royale. Le 1 décembre 1856, Michel entre en service et est embarqué à bord· de la canonnière-école n ° Il, à l'ancre en rade d'Anvers. Il suit les cours de navigation, d'astronomie et de constructions à l'Ecole navale instituée pour les aspirants de la marine. Il en sort 1er ex-requo avec son collègue Dufour. Puis, le gouvernement ayant loué le trois-mâts barque Clotilde, on y embarqua les aspirants de 1er et 2ème classe pour faire un voyage d'instruction sur les côtes d'Afrique. Le navire appareilla à Ostende le 11 juin 1857 et rentra le 2 octobre de cette année. En 1839, le capitaine Lucas, capitaine au long cours de la marine française, conçut l'idée de former une école flottante, sous les auspices de son gouvernement, à bord d'un trois-mâts français, de 5oo tonneaux, l'Oriental (ex Hydrographe). Les élèves devaient y apprendre, en effectuant le tour du monde, non seulement la navigation, mais encore les langues, les sciences exactes. etc ... Treize de nos compatriotes s' embarquèrent, à leurs frais, à bord du navire. On comptait parmi eux, deux aspirants de seconde classe, de la Marine Royale. Michel et Dufour, et trois officiers de l'Armée Belge, les lieutenants De Moor, de l'artillerie; Hynderick, des Guides, et van Schoubroeck, du 1er Chasseurs à pied. (Notons qu'il n'y eut aucune intervention pécunière de la part du gouvernement français.) Le 24 septembre 1839, l'Oriental quittait Paimboeuf (Nantes) sous le comnl.andement du Capitaine Lucas.
Le voyage fut très mouvementé. Le trois-mâts français devait se rendre en Amérique du Sud. Il fit successivernent escale à Belle Ile-en-mer, Lisbonne, Funchal (île Madère), Santa Cruz de Ténériffe (îles Canaries), Gorée (près de Dakar), quatre ports du Brésil à savoir : Pernambouc, Bahia, Rio-de-Janeiro et Santos, ensuite à Montevideo (Uruguay), La Plata (Argentine) et au détroit de Magellan dans lequel le navire échoua dans la baie Famine sur un banc de sable que les cartes très imparfaites n'indiquaient pas. Ce n'est qu'après plusieurs jours que le bâtiment fut renfloué. Les voyageurs furent retenus sous les îles de la Patagonie.
Le 3 mai 1840, l'Oriental faisait escale à San Carlos (île Chiloë), le 11 mai à Talcahuano et le 28 mai à Valparaiso, la capitale du Chili. En sortant de la baie, le 23 juin, ce fut la catastrophe. Le courant emporta le navire qui alla se briser sur les rochers bordant la plage de Playancha, en vue de la ville. Les passagers s'efforcaient de se sauver à la nage lorsqu'ils furent recueillis par les embarcations d'un grand baleinier. Michel perdit, dans ce naufrage, tous ses effets, ses instruments d'observations, ses papiers,etc.
L'odyssée des premiers cadets belges se trouvait ainsi brusquement et tragiquement intterrompue. Le 28 septembre, tout le monde était embarqué. à bord de la goëlette belge Industriel, du port de Bruxelles, de 157 T; appartenant à la Sociciété Maritime belge, grâce à l'intervention de notre consul, à Valparaiso, M. Serruys. Après avoir doublé le cap Horn, la goëlette rentrait à Anvers au commencement de 1841. Le 6 mars 1840, Michel est nommé Aspirant de 1re classe. Le 17 mai 1842, embarqué sur le navire Macassar, en destination des Grandes Indes. Rentré fin novembre 1844. Le 18 avril 1845. Retour aux Grandes Indes. Rentré le 4 août 1846. Le 23 novembre 1846, nommé Enseigne de vaisseau. Le 21 mai 1847. Embarqué sur la goëlette Louise-Marie pour surveiller la pêche dans la mer du Nord. Le 17 décembre 1847. Embarqué pour la Côte occidentale d'Afrique. Rentré en mai 1848. Le 8 août 1848. Embarqué pour se rendre aux îles Feroë et au Dogger bank. Le 29 décembre 1848, nommé Enseigne de réserve. Au cours de l'année 1848, plusieurs officiers de notre marine prirent du service dans la marine militaire allemande. Michel fut sollicité, à cette époque, par M. Draekenfeld, représentant, à Bruxelles, de la Confédération germanique, de se joindre à ses camarades, mais il refusa cette offre flatteuse, ne voulant pas prendre du service à l'étranger. Lahure, son chef, ayant appris la chose, fit appeler Michel et le félicita vivement de sa patriotique détermination. Le 24 novembre 1849, désigné pour prendre le cornmandement du bateau à vapeur la Ville d'Ostende. Du 15 août au 15 septembre 1850, prend le cornmandement du vapeur Ville de Bruges. Le 7 juillet 1852, recommandé et appuyé par le Capitaine Lieutenant de vaisseau Eyckholt, en vue d'une nouvelle promotion. Le 30 septembre 1853, nommé et appelé, comme Lieutenant de vaisseau de 2ème classe au cmmandement du vapeur Le Rubis, malle faisant le service entre Ostende et Douvres, Michel reçut notre premier Roi à bord. Ce fut encore lui qui eût l'honneur de montrer, à cette époque aux jeunes Duc et Duchesse de Brabant, l'admirable spectacle de la grande revue navale de Spithead. Le Rubis traversa, sous son commandement, les escadres anglaises, salué par l'artillerie de la flotte et des forts. Ce fut au cours de ce voyage, que la Duchesse de Brabant croqua dans son album de voyage, une amusante silhouette de Michel campé sur la passerelle, en casquette et paletot court, sa longue vue sous le bras. Il en prit connaissance. Le 4 juillet 1855, le Conseil d'Administration de Ia « Société Belge de Bateaux à vapeur transatlantiques », d'Anvers, décide de confier à Michel, et pour cinq ans, le commandement du bateau à vapeur, à hélice Léopold 1er. Le 21 octobre il est accordé un an de congé à Michel, pour naviguer à bord de ce steamer et le 14 octobre 1856 ce congé est renouvelé pour un an. Le 25 janvier 1856, la susdite société, d'accord avec le Gouvernement, charge Michel de se rendre à Southampton à I'effet d'assister le Capitaine Tack, comandant le steamer Belgique, entré dans le port avec de sérieuses avaries, notamment une voie d'eau. Elle le charge, le 26 février, d'une enquête sur tout ce qui s'est passé à bord depuis le départ du navire d'Anvers. A la suite du désordre général qui a régné sur le bateau, il en prendra le commandement provisoire, Mr. Tack a été prévenu et son remplaçant congédiera les membres de l'équipage inutiles ou qui ne conviennent pas à bord. Mr. Tack pouvant être absent, Michel aura recours au Consul de Belgique, s'il se présente des difficultés. Après la remise en état du Belgique il faudra mettre le bateau à I' épreuve dans la mer du Nord, mais pas au delà du Forth. De Southampton le bateau se
rendra à New York. Michel se documentera sur ce qui a été fait à Southampton en ce qui concerne les cales sèches, afin de pouvoir instruire nos ingénieurs qui auront à faire construire, à l'Escaut, des cales de l'espèce, pour le compte de la Société. Le 20 octobre 1856, Michel avait 35 ans. jusqu'à cette date il avait négligé de se faire incrire, à temps, pour la milice nationale. Le Ministre de la Guerre s'en aperçut et, ce même jour, il est d'abord incorporé au 68 Régiment de Ligne, en qualité de soldat, et ensuite détaché à la Marine Royale, question de régulariser une situation assez singulière!
Le 19 octobre 1864, il était congédié pour expiration de service, quoique n'ayant jamais été sous les armes!
Le 20 décembre 1856 il se marie. Le 28 septembre 1857, chargé du commandement de la malle Le Rubis. Le 21 juillet 1860, jour anniversaire de notre Indépendance nationale, Michel est nommé Lieutenant de vaisseau de 1ère classe. Le 23 février 1861 Michel et l'Ingénieur Eloin Félix quittent Bruxelles pour tenter, au nom personnel de Léopold I et à ses frais, sans la moindre intervention du Gouvernement, la colonisation des Iles Hébrides, Salomon et Fidji, proches de l'Australie. Ils rentrent au pays en mars 1862, déçus, comme d'ailleurs le Roi et le Duc de Brabant. Les instructions qu'ils reçurent de Léopold I ont paru, in extenso, dans la « Revue Belge des Livres, Documents et Archives de la Guerre 194-1918 », 9ème série; n° 2 de 1933. pp. 209 à 218. L'histoire de cette mission de confiance a paru dans le « Bulletin des Séances de l'Institut Royal Colonial Belge», tome XIX (1948), I, pp. 138 à 159. Le 15 avril 1862 Michel est chargé de se rendre à Blackwall et à Glasgow pour y acheter un bateau à vapeur, ou le louer durant le temps nécessaire pour la construction d'un nouveau navire. Le 15 mai 1862, désigné pour être tenu en réserve et remplacer provisoirement les officiers commandant des malles qu'une circonstance quelconque retiendra à terre. Le 16 novembre 1863 désigné par le service des malles belges pour prendre le commandement du steamer Diamant. Le 31 juillet 1870, chargé, par intérim, de la Direction de la Marine, à Bruxelles. Le 1er septembre 1870, nommé Capitaine Lieutenant de vaisseau. Le 25 . juillet 1871, nommé Directeur de la Marine. Le 28 décembre 1876, l'Administration accepte la démission de son grade militaire, présentée par Michel, à partir du1er janvier 1877 et le nomme aux fonctions civiles de Directeur de la Marine. Il est autorisé à porter l'uniforme de Capitaine de vaisseau de l'Ancienne Marine Royale. Le 14 février 1877, promu Capitaine de vaisseau. Le 19 février 1877, il plaît au Roi de nommer Michel au grade honoraire de Capitaine de vaisseau. Le 10 octobre 1878, Membre de la Commission chargée d'examiner le projet d'établissement. d'une communication directe de Bruges à la mer. La création de cette communication entre Bruges et Zeebrugge est décidée. Michel n'en était pas fort. partisan car il prévoyait que l'entretien du port allait entraîner des frais considérables de dragage par suite de son ensablement perpétuel. Il craignait également que l' existence d'un môle pouvait provoquer l'affouillement des dunes protégeant le Zwin contre les invasions marines. Le choix de Nieuport eût été, à son avis, plus intéressant. Le 31 mai 1870, Michel est nommé Inspecteur Général de la Marine et Commissaire permanent pour la surveillance de la navigation de l'Escaut. Le 9 juillet 1881, le Roi nomme Michel Membre du Jury chargé de juger le Concours international institué par S. M. en vue d'un ouvrage ayant pour objet les moyens d'améliorer les ports établis sur des côtes basses et sablonneuses comme celles de la Belgique. Le 2 mai 1887, remercié au nom du Roi et par le Gouvernement du concours empressé et éclairé que Michel a bien voulu prêter aux travaux du Jury. En 1887, désigné pour faire partie de la Commission Administrative chargée d'examiner les rapports de la Commission d'enquête anglaise sur les conflits de pêche dans la Mer du Nord. Le 8 janvier 1889, nommé Vive-Président de la Commission chargée de procéder à une révision et à la coordination des diverses dispositions relatives aux mesures de précaution à prendre:
1° ) à la mer par les bateaux nationaux, 2°) par les bâtiments et bateaux de
toute nationalité. dans les ports, rades, rivières et canaux du Royaume. Le 1er juillet 1889, Michel demande à être rendu à la vie privée et écrit à son Ministre, Mr Vanden Peere. boom; la lettre suivante :
Monsieur le Ministre,
Je compte 68 ans d'âge et plus de 50 ans de service, dont 30 passés à la mer. Je crois donc pouvoir aspirer au repos et vous demander de me rendre à la vie privée. Le service de I'Etat a des exigences, l'assiduité notamment, dont ma santé, à l'âge où je suis arrivé, ne s' accomode guère plus et je suis désireux de profiter du peu d'années qui me sont peut-être encore réservées sans être accompagnées d'infirmités. Ce sont ces motifs qui me font désirer, quelque regret que j'éprouve:à l'ïdée d'un Ministre qui m'a constamment honoré de sa bienveillance et de sa confiance, d'être admis à la retraite à dater du 1er novembre prochain. Veuillez agréer ..... .
(sé) A. Michel.»
Sur cette lettre se trouve écrite, en marge, de la main du Ministre, la note suivante:
« Accueilli avec le vif regret de me séparer d'un fonctionnaire dévoué que j'estime beaucoup. » .
(sé) van den Peereboom.
Le 31 octobre 1889 un A.R. accepte la démission de Michel, Inspecteur de la Marine et l'autorise à conserver le titre honorifique de son grade et à en porter l'uniforme. Le Ministre le remercie des excellents services qu'il a rendus à l'Administration pendant sa longue et honorable carrière. Le 30 novembre 1889, Michel est démissionné, sur sa demande, de ses fonctions de Commissaire chargé de la surveillance permanente de la navigation de l'Escaut.. Le 13 septembre 1911, donc vingt-deux ans après sa démission, Michel meurt. Peu de temps avant, il avait écrit qu'Il ne tenait nullement aux honneurs militaires. Ils ne lui furent donc pas rendus. C'est au cimetière de,St. Josse-ten-Noode-lez-Bruxelles, qu'il repose. Il était porteur de la décoration civique de 1ère classe et des insignes de Chevalier de la Légjon d'Honneur, de l'Ordre de Léopold, du Lion Néerlandais, d'Officier de l'Ordre de Léopold, de Commandeur des Ordres du Christ de Portugal et de Léopold. Ajoutons qu'il eût l'occasion de sauver le trois-mâts belge l'Atalante, le brick Appolo de Brême et la malle belge le Saphir, tandis qu'il commandait le Rubis. Une collection des objets rapportés de la Polynésie fait partie du patrimoine des Musées Royaux du Cinquantenaire, à Bruxelles (Section de l'Ethnographie) de l'Extrême-Orient, salle IV. Sa tenue, son sabre et ses épaulettes font partie des collections du Musée d'Armures de la Porte de Hal à Bruxelles.
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